nouvelle découverte
Les archéologues de La Réunion l'appellent la "vallée secrète". Elle est située à 2 000 mètres d'altitude entre les cirques volcaniques de Cilaos et de Mafate. En fait de vallée, c'est un goulet entre deux parois rocheuses, accessibles uniquement par des techniques d'alpinisme ou par hélicoptère. Encore l'appareil ne peut-il se poser, fût-ce avec le plus habile des pilotes. Il se maintient en vol stationnaire, les rotors fouettant l'air à quelques mètres des falaises, le temps que les passagers sautent sur le sol.
La vallée secrète renferme un trésor inestimable : deux misérables murets en pierre sèche de forme circulaire, dont la construction remonte à peine au XVIIIesiècle. Mais ses vagues pans témoignent que des hommes ont vécu là, cachés à la vue de tous, dans ce recoin interdit même aux plus intrépides. Des esclaves en fuite. Une première campagne de fouilles, menée en juillet 2011, en a apporté la quasi-certitude scientifique : il y avait là un campement de "marrons", ainsi qu'on appelle depuis l'époque coloniale ceux qui s'échappaient des plantations de la côte et venaient se réfugier dans ces hauteurs encore vierges. Des débuts de la colonisation, à la fin du XVIIe siècle, jusqu'à l'abolition de l'esclavage, en 1848, ils ont été des milliers à choisir la liberté au prix de la précarité, à quitter la misère des plantations pour une misère plus grande encore, mais sans entraves.
C'est là le trésor enfermé dans ces quelques pierres : l'esprit de résistance. "Ceux qui ont vécu là ont quitté la société coloniale pour fuir dans un milieu extrême, estime Edouard Jacquot, 35 ans, conservateur régional de l'archéologie. Il fallait être en condition de péril pour aller se réfugier dans des lieux comme ça. Il y avait le besoin d'échapper à sa condition, ce qui prouve que les besoins fondamentaux ne sont pas uniquement matériels. On touche là à ce qu'il y a de plus humain, à ce qu'il peut y avoir d'universel dans l'homme."